Les acrobaties forestières n’avaient pas Les acrobaties forestières n’avaient pas leur place
La sous-location d’une parcelle au profit d’une société commerciale de loisirs de plein air entraîne la résiliation du bail rural.
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L’HISTOIRE
Pierre avait pris à bail un ensemble de parcelles situé au pied des Pyrénées, dans une région très fréquentée et propice au tourisme estival. Afin d’augmenter le revenu de l’exploitation, il avait décidé de sous-louer deux parcelles boisées à la société Crapa’hutte – qui portait bien son nom – pour aménager un parcours acrobatique et y installer quelques tyroliennes. Rapidement, aux périodes de vacances scolaires, l’activité s’était révélée florissante et permettait, par la redevance de la sous-location versée, d’améliorer les comptes de la ferme. Mais Laurent, son bailleur, n’avait pas apprécié ce changement de destination des parcelles louées.
LE CONTENTIEUX
Il avait alors décidé de saisir le tribunal paritaire en résiliation du bail, sur le fondement de l’article L. 411-35 du code rural. Ce texte dispose que « toute cession ou sous-location du bail, même partielle, est interdite ». S’agissant d’une règle d’ordre public, toute infraction emporte la disparition des droits du preneur principal et secondaire. La Cour de cassation a admis également que la sous-location constituait, à elle seule, une cause de résiliation du bail rural « sans qu’il soit nécessaire de rechercher si elle est de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds loué ». Pour Laurent, pas de doute : la résiliation du bail s’imposait.
Mais Pierre avait minimisé la situation. La location de ces parcelles à des fins d’activité de loisirs était pour lui secondaire, au regard de l’activité agricole principale et, de plus, n’avait aucune incidence sur la marche de l’exploitation. Aussi, la résiliation du bail était-elle totalement disproportionnée, au regard du manquement reproché.
Le tribunal, puis, à son tour, la cour d’appel avaient d’ailleurs fait preuve d’indulgence. Le fait d’avoir laissé Crapa’hutte implanter quelques tyroliennes ne constituait pas une faute, dès lors qu’il s’agissait d’une activité secondaire par rapport à l’activité agricole exercée à titre principal, et sans incidence sur la mise en valeur du fonds loué.
Mais la Cour de cassation, saisie par Laurent, n’a pas été de cet avis, et a censuré la cour d’appel. Le fait de laisser une société commerciale exercer une activité d’organisation de loisirs de plein air destinée aux touristes, sur des parcelles louées, constituait, pour elle, une sous-location. Cela justifiait la résiliation du bail, sans qu’il y ait lieu de rechercher si elle était de nature à compromettre l’exploitation du fonds.
L’ÉPILOGUE
Le caractère éminemment personnel du bail rural et la volonté de le soustraire de toute spéculation ont conduit le législateur à interdire, par principe, toute cession et sous-location. Devant la cour de renvoi, Laurent pourra faire valoir, à nouveau, ce principe sur lequel la Cour de cassation veille avec vigueur. Mais la sanction est rigoureuse pour Pierre qui se retrouve privé de son bail alors qu’aucun reproche ne lui était fait sur la conduite de son exploitation. N’a-t-il pas été quelque peu imprudent, face à l’épée de Damoclès que fait peser sur le preneur l’article L. 411-35 du code rural ?
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